La rançon du pestiféré

Prix Cétalire 2010 des CM2 et 6e du Blanc

Roman sélectionné pour le prix du roman historique jeunesse 2009 à Blois catégorie CM2-6e

 

Paru en 2007 chez Bayard Jeunesse

 

Une enquête dans le Berry de la Guerre de Cent Ans

 

Philippe, un jeune garçon destiné à être chevalier, est sommé par son père, Gilles, furieux, d'aller récupérer un magnifique cheval qu'il a laissé s'échapper dans la forêt. En chemin, Philippe se perd. Heureusement, le soir venu, il croise un ami de son père, Messire Hugues, qui lui offre gîte et couvert. Seulement, le lendemain, Philippe se rend compte qu'il est prisonnier ! Messire Hugues, le traître, le retient de force au château : il compte demander une importante rançon à Gilles, en lui faisant croire que des brigands ont kidnappé son fils... Philippe sait que Messire Hugues n'hésitera pas à le tuer si son père ne réunit pas la somme exigée...
Comment va-t-il se sortir de cette terrible situation ?

 

Ce roman n'est plus disponible en librairie.

Ci-dessous, le premier chapitre



Chapitre 1

     « Décidément, tu ne seras jamais bon à rien ! »

     Campé au milieu de la cour de son château, Gilles du Gué vociférait. La colère le faisait sauter sur place et ressembler un coq de combat. Il avait le teint rouge brique et les cheveux ébouriffés. Ses yeux bruns lançaient des éclairs. Ses longs bras faisaient des moulinets exaspérés, tandis que sa voix résonnait désagréablement entre les hauts murs.

     Devant lui, son fils Philippe baissait la tête. Il se sentait frêle et impuissant devant une telle colère. La joue lui cuisait du soufflet que son père venait de lui administrer. Il protestait intérieurement. Était-ce sa faute si le cheval était difficile à maîtriser ? On ne pouvait pas demander à un enfant de onze ans d’avoir la force de dompter un étalon. Certes, il aurait dû retenir les règles si souvent répétées par son père : tenir les rênes courtes, serrer les genoux et ne pas abuser des éperons.

Seulement, il avait eu peur d’un mouvement brusque de sa monture et avait fait tout le contraire de ce qu’il devait ; le cheval s’était cabré, lui avait fait vider les étriers et était parti au galop. Par malchance, la porte était restée ouverte et l’animal s’y était engouffré. Il filait maintenant vers la forêt.

     Gilles, fou de rage, ne savait que crier :

     « Qu’ai-je fait au Ciel pour mériter un nigaud pareil ? Mon meilleur étalon va se casser une jambe, à filer si vite ! Puisque c’est ta faute, va donc le chercher, incapable ! Ne rentre qu’avec lui ! Tu te passeras de dîner s’il le faut ! Tu as une heure avant le repas de midi, puis toute l’après-midi devant toi ; mais rentre avant la nuit, sinon la porte sera close ! »

     Philippe alla chercher une corde aux écuries, pour lui servir de longe. S’il ne parvenait pas à remonter sur la selle, il pourrait toujours mener le cheval par la longe qu’il attacherait au collier. Le garçon passa la porte, tête basse, sans regarder son père qui le suivait des yeux :

     « File donc plus vite que ça ! continuait à le houspiller le seigneur. Mon destrier sera à Paris avant que tu ne sois sorti de la cour ! »

     Une fois sur le chemin de la forêt, son père ne pouvant plus ni l’entendre, ni le voir, Philippe osa enfin donner libre cours à sa révolte. Il fouetta les herbes avec l’extrémité de sa corde tout en grommelant. Quelques larmes de colère coulèrent sur ses joues.

     Philippe se savait responsable de la fuite du destrier auquel son père tenait tellement. C’était le plus beau cheval du seigneur et celui-ci le montait à chaque fois que son suzerain, Guy de Chauvigny, le convoquait pour participer à une guerre. Mais l’enfant avait peur de ce grand étalon et l’animal le savait. Seul Gilles refusait de l’admettre et obligeait son fils à le monter tous les matins.

     Le garçon, après avoir longé les champs entretenus par les paysans de son père, atteignit l’orée de la forêt. Il quittait le gai paysage de l’avoine en cours de moisson pour s’enfoncer dans l’ombre des arbres. Là, la fraîcheur le saisit. Il frissonna ; son cœur se serra un peu plus. Pourvu qu’il ne fasse pas de mauvaise rencontre ! Il tenta de se rassurer en invoquant l’heure : la fin de matinée n’était pas propice aux attaques de brigands ni à la sortie des animaux sauvages. En outre, il était sur un chemin fréquenté, proche du château de son père.

     Philippe se courba pour suivre les traces de l’animal dans l’herbe. Elles étaient nettes malgré la pénombre. Les sabots avaient foulé l’herbe tendre et celle-ci n’avait pas encore eu le temps de se redresser. Le garçon suivit longtemps la piste.

     Après plusieurs heures de marche, il aperçut enfin l’étalon au loin. L’animal marchait lentement dans une clairière, en broutant un brin par-ci, un brin par-là. Il semblait apaisé, sans doute fatigué par sa course. Philippe s’approcha doucement, en se dissimulant derrière les troncs et les buissons. Quand il fut plus proche, il dut se montrer à découvert. Lorsque le cheval le vit, il s’écarta un peu, puis s’arrêta de nouveau, fixant le garçon.

     Philippe fit quelques pas vers l’animal, le plus doucement qu’il put. Il parlait à l’étalon, en essayant de contrôler le tremblement de sa voix. La peur le prenait à mesure qu’il s’approchait. Son mouvement était très lent, mais petit à petit, il gagnait du terrain. Le cheval le regardait approcher sans rien manifester. L’enfant touchait au but ; il allongeait le bras pour saisir le collier, lorsque l’étalon se cabra en hennissant et repartit au galop à travers les arbres.

     « Maudite bête, jura Philippe, dépité. Carne ! Vas-tu t’arrêter, mauvais diable ? »

Trois fois, quatre fois, le garçon essaya d’approcher l’animal. Mais toujours, celui-ci esquivait au dernier moment. Enfin, lassé peut-être de son jeu, l’étalon repartit au galop et disparut entre les arbres.

     Philippe se retrouva seul à nouveau, désemparé. Comment allait-il ramener cette bête infernale ? Une pluie violente se mit soudain à tomber. En quelques instants, le garçon fut trempé. Il regarda autour de lui et se demanda où il était. Il n’avait jamais pénétré si profondément dans la forêt. Il ne reconnaissait rien. Tous les arbres se ressemblaient et le chemin avait disparu. Tout à la poursuite de son cheval, Philippe s’était éloigné du sentier sans s’en apercevoir. Il était perdu.

     Le garçon s’abrita sous un arbre, le cœur serré. Il était seul dans la forêt. Il avait froid, il avait faim, il avait peur et il était fatigué. A nouveau, les larmes lui montaient aux yeux. Cependant, cette fois, il les refoula. Personne ne lui viendrait en aide ici, il devait agir. L’averse aurait sans doute effacé en partie les traces du cheval. Il ne pourrait plus retrouver sa piste. Le moins difficile était peut-être de rentrer au manoir. Philippe se redressa et regarda autour de lui. Il ne savait comment s’orienter dans cette forêt si touffue. Il décida, en désespoir de cause, de suivre une direction jusqu’à ce qu’il parvienne quelque part. Il finirait bien par retrouver un chemin.

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